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Pour tenir le franc, il faut soutenir l’économie

Publié le mercredi 28 juillet 1993
Interviews

Directeur général de Cerus, Michel Cicurel est aussi président de la commission de réflexion économique du Conseil national du patronat français (CNPF). Il plaide pour un franc stable ancré dans le SME, mais estime aussi nécessaire de relancer la demande.

Le franc est une nouvelle fois attaqué sur les marchés des changes, entraînant une tension sur les taux d’intérêt. Au même moment, certains responsables politiques et patronaux plaident pour un autre choix de politique économique. Quelle est votre réaction ?

Je constate que chaque fois que l’économie ne va pas bien, le lobby dévaluationniste réapparaît avec les mêmes arguments. Mais il a cinquante ans de retard ! Aujourd’hui, la France est un pays ouvert, qui exporte mais, aussi, importe beaucoup. En fait, en cas de dévaluation, les volumes importés et wholesale mlb jerseys exportés varient peu parce qu’ils sont relativement inélastiques aux prix. Tandis que le pays qui dévalue supporte une perte importante en valeur. On oublie, en outre, que la compétitivité ne dépend plus uniquement aujourd’hui des produits: elle se gagne également sur la capacité des entreprises à s’implanter à l’étranger, qui est moins coûteuse avec une monnaie forte.

Pourtant, les industriels se plaignent de ressentir une forte concurrence italienne ou espagnole depuis les dévaluations de septembre.

Il y a là beaucoup d’autosuggestion. On met toutes les difficultés sur le dos du franc. Par exemple, le secteur du tourisme se plaint d’une mauvaise année en France, mais aussi en Italie et en Espagne. Ce n’est pas la monnaie qui est en cause, mais la crise: les gens restent chez eux !

Cependant, la politique de franc stable contraint la France à un niveau de taux élevé, qui pèse sur les entreprises. Ne pensez­vous pas qu’on puisse être tenté de sortir du SME pour baisser les taux d’intérêt ?

Contrairement à une idée buy reçue, je crois que, pour les entreprises, le niveau des taux n’est pas l’essentiel. En réalité, beaucoup d’entreprises françaises ont de graves difficultés de trésorerie. Pour elles, le problème est l’accès au crédit, plus que son coût. Pour ce qui est du SME, il est stratégique pour la construction européenne. L’Europe, c’est d’abord le couple franco-allemand notamment dans le domaine monétaire. Je regrette que l’on n’aille pas plus loin et plus vite dans ce domaine. Il faudrait une initiative spectaculaire, même si ce n’est pas à douze.

Pourquoi ne pas décréter immédiatement une parité fixe franc-mark ?

Quant à une baisse des taux entraînée par une sortie du franc du SME, j’en doute. Ce serait vrai dans un premier temps, mais une telle décision donnerait le signal d’une faiblesse congénitale du franc et accréditerait l’idée que le franc décroche toujours lorsqu’il est sous pression. Ceci aboutirait à instituer une prime de risque sur le franc, et entraînerait des taux structurellement plus élevés. Les effets à long terme wholesale nba jerseys seraient donc négatifs. Si nous décrochions aujourd’hui, ce serait une décision historique dont les marchés se souviendraient. Et les Allemands, qui n’auraient pas fait preuve de la solidarité nécessaire pour surmonter cette crise, seraient les premiers à s’en mordre les doigts. Nous suivons la même politique monétaire que l’Allemagne, à ceci près que Illegal les entreprises bénéficient outre-Rhin de prêts aidés, ce qui n’est pas le cas ici.

Quand aurons-­nous des pratiques similaires ?

C’est exact, les Français ont pratiqué un libéralisme naïf. L’avantage de notre gouvernement libéral est qu’il peut se permettre de petites doses d’interventionnisme. Il me paraît inévitable qu’à la rentrée on offre à certaines entreprises l’accès à des guichets privilégiés pour éviter l’accélération de défaillances. Mais il faut aller wholesale nfl jerseys plus loin. Le paradoxe est que, pour la première fois, notre monnaie est attaquée non parce que notre économie est en déséquilibre, mais parce qu’elle est en « équilibre de sous-emploi ». Pour soutenir le franc, il faut soutenir l’économie.

Mais qui dit soutien de l’économie dit creusement du déficit budgétaire et donc hausse des taux d’intérêt.

Non ! Le risque de hausse des taux Falcon en phase de surabondance d’épargne est nul. Je suis donc favorable à plus de souplesse budgétaire. Nous avons moins de déficit que les Allemands. Mais il n’y a que l’État qui puisse aujourd’hui soutenir la demande, parce que la baisse des taux ne conduira pas les entreprises à investir ou les ménages à consommer en l’absence de perspectives plus souriantes. On pourrait, par exemple, réinjecter les sommes provenant de l’emprunt Balladur pour faire crédit à l’économie. Croyez-moi, on va redécouvrir Keynes !

Autre domaine d’intervention de l’État, celui du commerce international. Beaucoup de responsables souhaitent une politique plus protectionniste. Est-ce votre avis ?

Il n’est pas logique de fermer le pays aux futur importations des pays à bas salaires, puis de leur allouer des aides. Il faut bien accepter la division internationale du travail, c’est-à-dire développer chez nous des emplois de haut niveau et abandonner aux pays pauvres les activités à faible valeur ajoutée. Quant au GATT, il constitue surtout une protection pour la CEE. En réalité, les Américains construisent une zone commerciale panaméricaine grâce à des accords bilatéraux. Une autre zone est en train de se constituer autour wholesale nfl jerseys du Japon… Et, pendant que souriant ces grands très blocs se forment, en dehors du GATT, les Européens chipotent. Il manque, là encore, une initiative communautaire qui pourrait se fonder sur le mémorandum Balladur, impeccable cheap nfl jerseys à mes yeux.

Le gouvernement estime que nous sommes en train d’entrevoir le sortie de récession. Est-ce votre diagnostic ?

A vrai dire, je n’en suis pas sûr. C’est pourquoi il faut une intervention musclée pour soutenir l’économie, et du même coup le franc.

Propos recueillis par Jean de Belot pour Les Échos