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Je ne suis pas très optimiste sur la Bourse française

Publié le samedi 4 juillet 1987
Interviews

Considéré comme un proche de Raymond Barre, son professeur à l’ENA, Michel Cicurel, quarante ans, ancien fonctionnaire au Trésor, est depuis 1984 directeur-général de Cortal. Filiale de la Compagnie bancaire, cette société spécialisée dans la vente par correspondance de placements financiers a doublé son activité en un an. Michel Cirurel est aujoud’hui sceptique, aussi bien sur une baisse prochaine des taux d’intérêt que sur le sort des actions françaises.

La Banque de France vient d’abaisser ses taux directeurs. Est-ce suffisant pour donner un peu de cheap jerseys tonus à une Bourse qui en a bien besoin ?

Cette décision gouvernementale devrait soutenir un peu le marché. Mais ce n’est que très partiellement significatif. On continue à raisonner comme il y a cinq ou six ans, lorsque le marché était très étroit, fermé, contrôlé par le Trésor, et avec très peu d’intervenants. Aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout dans cette situation : le marché est très ouvert, les étrangers interviennent dans des proportions importantes. De ce fait, ce n’est pas une modification d’un quart de point de la Banque de France qui va modifier tout le contexte qui depuis quelque temps penche plutôt en faveur d’une légère remontée des taux. Certes, il peut y avoir instantanément une petite baisse, mais, en tendance, les taux ne devraient pas baisser.

Pourquoi ?

Parce que, sur le chapitre du franc, nous sommes bloqués. On ne peut pas faire 737NTO une opération monétaire d’ici aux élections présidentielles. Aujourd’hui, il n’y a pas de pression sur le franc, mais en termes de balance extérieure, la situation n’est pas brillante et elle ne devrait pas s’améliorer jusqu’à la fin de l’année. Elle pourrait même se dégrader.

Et pendant ce temps, les taux à long terme ont regrimpé d’un point en l’espace de quelques semaines…

Cela ne me choque pas. Il faut voir qu’en glissement le taux d’inflation sur douze mois est aussi remonté d’un point. On se situe maintenant entre 3,5 % et 4 %. De ce fait, nous enregistrons actuellement des taux réels voisins de 6 %, et les Allemands sont à un peu moins de 4 %. Ce différentiel me parait justifié. Il tient compte de l’écart réel de compétitivité entre la RFA et la France en raison de notre retard d’investissement.

Sur ce point, vous excluez toute relance ?

Je pense qu’il y aura un petit  » doping  » électoral à la fin de l’année. Grosso modo, il faut six mois pour qu’un doping soit efficace. La relance Bérégovoy a commencé en septembre 1985. Elle a été parfaitement ajustée et très efficace. Je ne serais pas étonné qu’il y ait une petite relance – qui ne dira pas son nom – en octobre ou novembre prochain. Mais, d’une façon générale, je ne suis pas d’un optimisme forcené sur la conjoncture française…

La Bourse l’est davantage…

Peut-être. Il est vrai qu’en 1987 les résultats des cheap jerseys entreprises vont continuer de s’améliorer, mais ces bénéfices, pour importants qu’ils soient, ne sont pas tout à Twitter fait réels. Ils proviennent en partie des profits financiers. C’est un peu un phénomène  » auto-entretenu « . La Bourse va et les entreprises vont. Quand la Bourse va moins bien, les entreprises en font autant ! Je crois qu’il y a là une amélioration un peu artificielle. Sinon, on ne comprendrait pas très bien comment il pourrait y avoir une amélioration considérable de la profitabilité des entreprises et, simultanément, une dégradation de nos parts de marché à l’extérieur.

Que faut-il en penser pour les sociétés qui reviennent sur le marché boursier, les nouvelles privatisées, qui ne suscitent pas le même engouement qu’au cours des derniers mois ?

Il est clair qu’on n’absorbera plus Rooting les actions de sociétés dénationalisées au même rythme que jusqu’à présent. Je crois que la Rue de Rivoli a très bien compris la situation et va discrètement ralentir le rythme des privatisations. Jusqu’à présent, celles-ci ont connu un succès triomphal. Mais si, d’aventure, certains titres retombaient au-dessous de leur prix d’achat, si des gens, après avoir revendu leurs titres, s’apercevaient qu’avec les frais de gestion ils recevaient moins à la sortie qu’à l’entrée, on pourrait assister à une réaction assez vive de ces très nombreux actionnaires.

Or l’actionnaire devient un vecteur de l’opinion. Ce n’est plus l’époque des seules « 200 familles ». Il faut en tenir compte, et, à cet égard, le marasme actuel est préoccupant. Si on raisonne en termes de rendement, on a vécu jusque dans les premiers mois de 1986 avec des rendements de 2% sur les actions. Pour la première fois, cette année-là, on a eu des rendements réels positifs (0,2%). Mais, dans le même temps, les rendements réels sur les obligations atteignaient 6% à 7%. Or, aujourd’hui, le taux d’inflation est passé, en gros, de 2% à 4%. Mathématiquement, une baisse des cours des actions de 50% par rapport à janvier dernier n’aurait rien d’illogique. Heureusement, la mécanique boursière n’est pas d’une précision aussi automatique. Après avoir grimpé de 17% depuis janvier, la cote a reculé d’autant en deux mois pour revenir à zéro. Dans le passé, l’ajustement s’est fait davantage sur la diminution du rendement des titres que sur la baisse des cours des actions. Toujours est-il qu’à très court terme, six mois par exemple, je ne suis pas très confiant sur les actions françaises.

Vous en avez tiré des conséquences sur votre nba gestion ?

Bien sûr! Cortal-Monde, qui gère plus de 4 milliards de francs pour cinquante mille clients, avait allégé son portefeuille en valeurs françaises avant la baisse du mois de mai. La France ne représente plus que 8% de notre portefeuille, contre 27% pour les Etats-Unis et 18% pour la Grande-Bretagne, par exemple.

Est-ce votre taille, encore relativement modeste, qui vous a permis de réagir rapidement ?

C’est certainement un avantage. Tous ne peuvent pas réagir de la même façon. Par rapport aux Etats-Unis, où l’on compte environ deux mille wholesale jerseys mutuals funds, la France possède près de quatre mille SICAV et fonds communs de placement. C’est un énorme gaspillage. D’autant que seulement 13% des Français détiennent des actions de SICAV ou des parts de fonds communs. Mais c’est aussi une réponse aux frais occasionnés par la gestion directe. Par exemple, un portefeuille d’actions de 200000 F que son cheap jerseys China propriétaire ferait  » tourner  » deux fois dans l’année supporterait près de 14000 F de frais de Bourse. Sans compter les frais de garde. Ce qui représente 7% des fonds investis. Voilà qui limite sérieusement la portée et les perspectives de développement de l’actionnariat direct… « 

Propos recueillis par Serge Marti pour Le Monde