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Et si la France se relevait du pied droit?

Publié le mardi 31 mars 2015
Tribunes

L’Europe redémarre. On évoque l’alignement des planètes : baisse du prix du pétrole, du coût de l’argent, et de la parité de l’euro. Et de fait, en taux annualisé, la croissance du dernier trimestre atteint 1,4% dans l’euro zone, 1,5% en Espagne et 2,8% en Allemagne.

La France (comme l’Italie) se traîne à 0,3%, et reste imperméable à la relance générale. Pourtant il est permis de croire que la France a touché le fond. L’espoir pourrait venir d’un alignement de planètes bien français : le basculement libéral de l’opinion publique ; le redoutable défi populiste; les limites du prétendu modèle allemand.

D’abord, la faillite de la gauche passéiste a fait basculer l’opinion publique. Elle réclame désormais plus d’entreprise et moins d’Etat, plus d’emplois privés et moins de fonctionnaires, plus de revenus d’activité et moins d’assistance donc de prélèvements obligatoires. Ce sont les Français qui ont soufflé à M. Hollande son fameux virage « social libéral ». Les Français, sans doute depuis Colbert, se reposaient sur l’Etat pour leur apporter la sécurité de l’emploi et du revenu. Ils comprennent désormais que l’assistance à crédit touche à sa fin.

Se pourrait-il que nos concitoyens, si lucides sur le traitement que réclame notre pays, fantasment sur des solutions populistes surréalistes ? Serait-ce que nombre de Français jugent nos responsables politiques aussi irresponsables que les marabouts populistes ?

Depuis plus de 30 ans, la France alterne entre une gauche qui patauge dans un vague marxisme vieillot et une droite pusillanime qui lave les contresens de ses prédécesseurs à l’eau tiède. Les Français devinent que, pour la droite modérée, les témérités d’avant élections annoncent les timidités d’après. Sceptiques sur leurs dirigeants politiques, donc sur l’Etat, ils réclament plus de liberté et de responsabilité pour assumer leur propre sort et réclament de l’action en ce sens.

La droite modérée entend ce message mais ne l’adresse pas sérieusement. Par exemple, une baisse brutale de la dépense publique française est irréaliste. La France est droguée à la dépense publique depuis longtemps et souffre de 40 ans de déficits publics ininterrompus. On peut rêver aux 100 milliards, comme la droite dans l’opposition, ou faire des promesses de gascon sur les 50 comme la gauche au gouvernement : aucun responsable politique n’ose préciser les coupes sombres. Parce qu’aucune n’est envisageable sans secousse.

Or, il faut bien traiter le ras-le-bol fiscal puisque la France et l’Italie malades de leur croissance zéro, sont aussi les pays qui ne cessent d’augmenter leurs prélèvements obligatoires déjà trop élevés (Rexecode). Sur ce casse-tête, la seule issue praticable vient de Madame Kosciusko-Morizet : « il faut faire descendre l’impôt par l’ascenseur et la dépense par l’escalier ». Car il est urgent de redonner du carburant à l’investissement productif doublement pénalisé par la surtaxation de nos entreprises exsangues, et celle du rendement du capital qui les finance. Accélérer les amortissements, abroger l’alignement de la fiscalité du capital à risque sur celle du travail, permettre sans plafond de payer l’ISF par un apport de capitaux aux PME sont autant de tremplins de l’investissement et de l’emploi.

Peu importe si, durant quelques années, le déficit public en est accru. Car la France ne tendra jamais la sébile pour financer sa dette, tout simplement parce qu’elle détient, comme le Japon (2,5 fois plus endetté que nous !) une épargne intérieure suffisante pour la porter intégralement. Réduisons immédiatement l’impôt « productif » de 100 milliards et la dépense publique de 50 seulement dans un premier temps. Le déficit en sera accru provisoirement de 2,5% du PIB, ce qui serait acceptable le temps que la croissance française retrouve un rythme suffisant.

Gageons que l’Europe allemande, qui tolère de la France ses petits dérapages avec ses trop petites réformes, accepterait un parcours plus audacieux de retour aux équilibres par de vraies réformes. Elle a connu les désastres politiques du chômage de masse et sait bien que l’austérité alimente le danger populiste. Elle sait aussi que l’excellence du modèle allemand ne vaut que pour une population et une industrie vieillissantes. Alors que la France apporte à l’Europe une démographie dynamique et le potentiel d’un leadership post-industriel européen, si elle cesse d’égorger fiscalement ses pigeons. Sans la France, l’Europe allemande sera demain le Japon d’aujourd’hui. Sans cette complicité, point de vraie monnaie unique, seule concurrente crédible du dollar qui finance à crédit depuis un demi-siècle, la domination technologique américaine. Il est de l’intérêt commun que l’Europe soit plus française, en tissant l’éclat de sa fibre gauloise avec la robuste laine saxonne.

Les Français sont tellement pertinents ! Non seulement ils donnent la direction pour redresser la France, mais ils pressent leurs rois fainéants d’agir en brandissant la menace frontiste. Ils savent bien qu’un basculement de la France dans l’inconnu national-populiste serait un cataclysme européen et mondial.

Mais on a toujours dit que la France ne pouvait se réformer qu‘au bord du précipice. Tant mieux ! Nous y sommes.