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« N’ayez pas peur ! »

Publié le vendredi 27 janvier 2006
Interviews

En deux semaines, les Bourses mondiales ont perdu près de 5 %. Assiste-t-on à un renversement de tendance après une année 2005 exceptionnelle ? Michel Cicurel, président du directoire de la Compagnie financière Edmond de Rothschild, ne le croit pas. Pour lui, l’année 2006 sera aussi bonne que 2005.

La baisse des marchés ces derniers jours préfigure-t-elle un retournement des Bourses mondiales ?

Non. N’ayez pas peur, comme le disait Jean-Paul II qui avait une vision du monde en avance sur son temps. Pour la première fois, la planète est globale et partout les réacteurs sont allumés : l’économie américaine, malgré un ralentissement de la croissance de 4 à 3 %, explose de santé. Les pays émergents tournent à plein régime. En Chine, c’est un véritable continent qui découvre l’économie moderne et s’ouvre sur l’extérieur. En Inde et en Amérique latine, la croissance est également au rendez-vous. Même en Afrique, l’économie commence à bouger. Enfin, en Europe, l’Allemagne a renoué avec le dynamisme, comme en témoigne la vigueur de ses exportations. Le monde dans sa globalité est en forte croissance, et donc les profits des entreprises, dans cette atmosphère non inflationniste, seront bons. La bonne économie fait les bons profits des entreprises, qui font les bons cours de Bourse.

Il faut donc continuer d’acheter des actions ?

Lorsqu’on investit dans les actions, il faut regarder le long terme. Le savoir-faire de notre maison repose d’ailleurs sur la performance dans la durée. Sur deux siècles, les marchés actions ont progressé en moyenne de 7 % par an. Notre pari est que nous entrons dans une période où la croissance tendancielle sera plus élevée. Nous avions recommandé l’an dernier d’investir hardiment dans les actions. Rien, un an après, ne justifie un changement de stratégie : 2006 pourrait être un clone de 2005. Actuellement, nous privilégions les actions européennes, encore bon marché, et le Japon, qui sort de sa crise.

Quels sont les principaux risques pour les marchés ?

Si le monde n’a jamais connu une période aussi prospère, en même temps il n’a jamais bravé autant de risques. Dans cette magnifique mécanique, il peut y avoir de nombreux grains de sable comme une crise immobilière tant redoutée aux États-Unis, une baisse trop rapide du dollar entraînant une brutale hausse des taux, un éclatement de l’euro ou encore un emballement des prix de l’énergie… On peut également craindre de nouvelles catastrophes comme une pandémie, le dérèglement climatique ou le réveil du terrorisme.

Les marchés sauront-ils y faire face ?

Les marchés financiers sont désormais habitués à l’irruption de l’irrationnel. Ils ont appris à garder leur sang-froid. La volatilité des marchés a été très basse au cours des derniers mois mais elle pourrait remonter. Si tel était le cas, les gestionnaires de portefeuilles pourront proposer à leurs clients des produits structurés, ou de gestion alternative, qui protègent des risques « habituels » de marché. Continuons de tourner le dos à la peur. Rappelons-nous Montaigne : « Qui craint de souffrir souffre déjà de ce qu’il craint. »

Propos recueillis par Marie de Greef-Madelin pour Valeurs Actuelles