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« En 2001, soyez plus sélectifs ! »

Publié le samedi 3 mars 2001
Interviews

Vous êtes allé comme chaque année à Davos au séminaire qui rassemble le gotha de la finance mondiale. Avez-vous trouvé un changement par rapport aux réunions précédentes ?

L’humeur était très maussade en ce début du nouveau millénaire. Cela n’a rien d’étonnant : rappelez-vous l’an dernier, la croissance américaine et la nouvelle économie étaient en plein boom. Aujourd’hui, les marchés financiers ont opéré une correction sévère, essentiellement sur les valeurs dites TMT (technologie, médias, télécommunication). C’est surtout l’Amérique qui est affaiblie par son « click », tandis que l’Europe est protégée par son « mortar » (NDLR : « click » = nouvelle économie ; « mortar » = économie traditionnelle symbolisée par le mortier).

Croyez-vous que 2001 sera perdue pour la croissance et sera une année de consolidation ?

Non, je ne le crois pas. Les États-Unis sont en croissance zéro, mais le deuxième semestre devrait être nettement meilleur. Regardez comment M. Greenspan n’a pas hésité en un seul mois à réduire de cent points de base les taux directeurs, et à donner sa bénédiction au plan de réduction d’impôts de Bush, qui pourrait être mis en place rétroactivement au 1er janvier de cette année. Ne confondez pas l’Europe et les États-Unis, dont la réactivité est infiniment supérieure. Les progrès technologiques vont entraîner de nouveaux gains de productivité mettant l’économie américaine à l’abri de l’inflation, ce qui permet la poursuite d’une croissance saine. Surtout, le ralentissement américain ne s’étendra pas à l’ensemble de la planète. L’expansion européenne, qui est soutenue, sera à peine amoindrie par le trou d’air américain. Il y a deux raisons pour que l’Europe tienne le coup : le retard à rattraper en matière d’investissement et l’euro qui lui permet de jouer un rôle de locomotive, ce qui était exclu lorsqu’on avait un ensemble avec onze monnaies différentes. Le Vieux Continent a désormais une certaine autonomie. Quant au Japon, il est en crise depuis dix ans, mais le reste de l’Asie va bien.

Vous manifestez un grand optimisme sur le plan économique : comment expliquez-vous alors le comportement frileux des marchés financiers ?

Il y a un an, la bulle financière était dangereuse ; aujourd’hui, l’assainissement a fait son œuvre. C’est précisément lorsque les marchés sont de mauvaise humeur qu’il faut investir, « au son du canon » selon le vieil adage boursier. Naturellement, peu de gens ont le courage de le faire. Nos gérants parient volontiers sur une hausse des actions en 2001, car la correction a été sévère. Mais dans les années à venir, il ne faudra pas être aussi exigeant : on s’était habitué pendant plusieurs années à des hausses de 25 % par an grâce à la nouvelle économie. Contentons-nous donc de 10 % à 15 % sur les valeurs plus traditionnelles, et voyez ce que cela représente sur le long terme. À 15 % par an, c’est un doublement en cinq ans !

Quel type de gestion préconisez-vous ?

En 1999, la mode était au « tout techno », ce fut le « tout défensif » ; en 2001, c’est le « tout sélectif ». D’ailleurs, la politique de notre maison repose sur la sélectivité, car elle recherche la performance dans la durée. La gestion indicielle a été une vraie dictature ces dernières années : elle était prisée par certains gestionnaires car elle leur permettait de ne pas se faire critiquer. Or l’intérêt du client est de viser la performance absolue dans la durée, plutôt que de jouer les moutons de Panurge, surtout dans des marchés devenus très volatils.

Cela correspond aussi au profil de votre clientèle…

Oui, c’est vrai ! Pour l’instant nous sommes dans la gestion d’actifs pour les institutions et les gros patrimoines. Nous réfléchissons à la façon de faire bénéficier une clientèle plus étendue de certains des produits sophistiqués que nous mettons au point. À l’évidence, l’Internet permet d’offrir plus largement un service attentif et de qualité, soit à des investisseurs en direct, soit à des conseils indépendants en gestion de patrimoine. Et puis nous avons dans notre gamme des fonds actions dits « rendements », fabriqués pour traverser avec succès les périodes difficiles comme actuellement. Nous serions heureux de pouvoir faire profiter d’une partie des services Rothschild des clients qui ne sont pas encore des Rothschild !

Quels conseils donnez-vous aux épargnants ?

Conseil numéro un : ne vous laissez pas prendre par illusion de la liquidité car, sur la longue période, vous serez perdant. À cet égard, il est navrant de voir que le nombre d’actionnaire augmente très peu en France : l’essentiel des gains réalisés sur les actions françaises au cours de la période récente a bénéficié aux futurs retraités étrangers. Il faut avoir conscience que, sur un siècle, les actions françaises ont rapporté en moyenne 7 % l’an. Par exemple, prenez notre Sicav Tricolore, sa valeur a été multipliée par vingt en vingt ans.

Propos recueillis par Michel Gariba pour Le Figaro Magazine