Retour

Analyse sur la crise et les indices boursiers

Publié le vendredi 3 septembre 2010
Interviews

Interrogé par Les Echos sur l’évolution des indices boursiers depuis dix ans, Michel Cicurel explique que les trois crises majeures, à savoir les crises d’Internet, des subprimes et de la Grèce, ont la même origine : l’argent facile, sur fond de baisse des taux. Michel Cicurel souligne également la volatilité des marchés, qui rend volatils les marchés d’action.

Le CAC 40 a perdu la moitié de sa valeur en dix ans. Cette année s’annonce encore morose. Faut-il encore croire aux actions ?

Oui, bien sûr. Simplement, il ne faut pas confondre l’indice CAC 40 et les actions qui le composent. L’un des enseignements de la dernière décennie, c’est qu’il ne faut porter de jugement global sur aucune classe d’actifs, ni les actions, ni les obligations, ni les emprunts d’Etat, ni l’immobilier, ni les produits de base. Il y a des actions qui se portent très bien. LVMH ou Essilor, par exemple, ont récemment atteint des plus hauts historiques. Par ailleurs, le CAC 40 est aujourd’hui très différent de ce qu’il était il y a dix ans, où les valeurs télécoms et technologiques étaient prédominantes. Alcatel pesait 100 milliards d’euros, il n’en pèse plus que 5 aujourd’hui. En outre, les règles ont changé puisque l’indice a été pondéré par la capitalisation flottante à partir de 2003 et qu’aucune valeur ne peut dépasser 15 % du total. La baisse du CAC sur dix ans compare des choux et des carottes et il y a des investisseurs en actions qui ont été gagnants.

Il n’empêche, on a recensé trois crises majeures depuis dix ans : l’éclatement de la bulle Internet, la crise des « subprimes » et, enfin, celle des dettes souveraines, qui ont toutes affecté la Bourse. Leur occurrence ne s’est-elle pas accélérée ?

Ces trois crises ont une cause commune : l’argent facile, sur fond de baisse des taux d’intérêt et d’inondation de liquidités. Les taux d’intérêt, qui représentent le prix du temps, ont tendu vers zéro. D’où l’accélération. L’économie et les marchés ont été dominés par la mondialisation, qui est positive, et la surliquidité, très dangereuse. Le déluge s’abattant sur un monde ouvert et prospère, c’est l’Atlantide. Le désendettement des économies matures prendra du temps, mais ramènera finalement la prospérité et la confiance. En attendant, la volatilité dominera.

Pourquoi le CAC 40 est-il si loin de son sommet de l’an 2000, à la différence d’autres indices comme le Dow Jones ou le DAX ?

Trois motifs : les changements techniques déjà mentionnés. La composition de l’indice, surpondéré en groupes de services aux collectivités. Surtout un actionnariat étranger dominant et volatil : très peu d’actionnaires individuels français, pas de fonds de pension et une régulation à venir qui détourne les institutions de l’investissement en actions. C’est redoutable pour le financement de notre économie !

Cette année, les investisseurs ont délaissé les fonds actions pour se ruer sur l’obligataire. Y a-t-il un risque de bulle sur l’obligataire ?

Sur les obligations d’entreprises, non. Sur celle des États, sans nul doute. Les investisseurs prêtent leur argent aux États de manière inconsidérée, à des taux ridiculement bas. Or, la crise des dettes souveraines n’est pas terminée. Les États-Unis ne perdront pas demain leur triple A, mais je ne vois vraiment pas comment ils vont réduire leur dette à court terme, et la Chine amorce un mouvement de retrait de l’investissement en « treasury bonds ».

Comment voyez-vous évoluer les marchés d’actions ?

Les marchés d’actions vont rester très volatils dans l’immédiat, car il y a trop d’incertitudes. Mais, paradoxalement, les groupes cotés qui composent les grands indices sont les agents économiques qui ont aujourd’hui les bilans les plus sains. Leur capacité à corriger rapidement des situations difficiles a considérablement augmenté, et ils regorgent de cash aujourd’hui. Aussi, à plus long terme, je reste confiant : il n’y pas de grand risque à choisir les actions si l’on est prêt à affronter la volatilité et à investir dans la durée.

Qu’est-ce qui pourrait enclencher la reprise ?

Les marchés retrouveront des couleurs dès que la macroéconomie sera moins anxiogène et que les investisseurs scruteront à nouveau la microéconomie. Or, les analystes prévoient une hausse des profits de l’ordre de 15 % en 2011. Le rendement du dividende des entreprises du CAC 40 est autour de 3,5 %. Pourquoi prendre le risque bien réel d’investir dans un emprunt d’Etat qui rapporte environ 2 % ?

Propos recueillis par Guillaume Maujean pour Les Echos