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Nous envisageons une introduction en Bourse

Publié le mardi 18 décembre 2007
Interviews

Au terme d’une année 2007 positive pour l’établissement qu’il dirige, Michel Cicurel confie étudier les modalités selon lesquelles La Compagnie Financière Edmond de Rothschild pourrait s’introduire en Bourse. Un tel projet permettrait d’accélérer le développement international du groupe. « La décision n’est pas encore prise », prévient-il. « Mais le fait qu’elle soit envisageable constitue un changement majeur ». En tout état de cause, les Rothschild conserveraient le contrôle de la banque.

Quel est votre diagnostic sur la crise actuelle ?

Il y a un an, j’étais inquiet, je percevais la planète finance comme marchant sur un fil. Il y avait des graves déséquilibres liés à plusieurs années de forte croissance mondiale, d’inondation de liquidités, d’abus de créativité financière. La crise a été déclenchée par l’explosion de la bulle du « subprime », mais cela aurait pu être autre chose. Aujourd’hui, certains évoquent la crise de 1929. Ce n’est franchement pas raisonnable de basculer brutalement de l’optimisme béat à l’hystérie alarmiste. Le choc financier est sévère, mais je ne crois pas une seconde à la faillite d’une grande banque.

Les mauvaises nouvelles tendent tout de même à se multiplier…

Il y a, à mon sens, deux risques majeurs aujourd’hui : celui du protectionnisme, qui pourrait prendre des formes financières, contre les investissements des fonds souverains par exemple. Il faut bien chercher les capitaux là où nos déficits de paiement les ont conduits. L’autre est celui de la réglementation. L’expérience montre que le secteur le plus affecté par la crise est précisément le plus réglementé, à savoir les banques, tandis que le moins réglementé, que sont les « hedge funds », va très bien ! Plus de réglementation ajouterait de la crise à la crise.

Les solutions apportées par les régulateurs vous semblent-elles appropriées ?

Le problème est d’origine américaine et les autorités américaines le gèrent bien. Les propositions de Henry Paulson pour protéger les souscripteurs de crédit immobilier à risques sont très pragmatiques. Par ailleurs, je trouve injuste le procès fait aux banques centrales. Elles ont affiché une intervention globale parce que la crise est globale et que le système l’est aussi. Les tuteurs du système doivent assurer la liquidité bancaire tout en veillant à contenir l’inflation, parce que les grands drames se sont toujours produits dans des périodes d’inflation. Il y aura des turbulences en 2008, mais elles n’éclateront pas, comme en 2007, dans un ciel bleu. Lorsqu’il est prévu, et traité, le pire n’est pas sûr.

Avez-vous connu des mouvements de décollecte depuis l’été ?

Notre collecte est historique. En effet, nous avons beaucoup diversifié notre gestion, avec une panoplie de produits permettant d’affronter toutes les situations. Nous avons, à ce jour, collecté plus de 2,5 milliards d’euros nets. Nous avons assuré la liquidité de nos fonds monétaires dynamiques sans avoir eu recours à notre bilan. A cette date, nos actifs gérés sont en forte progression à 30 milliards d’euros, dont un tiers en gestion de fortune.

Dans ce contexte, quels sont vos projets de développement ?

Nous pensons que notre spécialisation sur la gestion d’actifs et la banque privée, de concert avec le conseil aux entreprises et aux entrepreneurs, nous offre des perspectives de développement remarquables en France, mais aussi à l’étranger où nous sommes encore peu présents. Nous nous intéressons aux pays émergents et nous amorçons depuis quelques années une implantation chinoise, que nous espérons reproduire en Inde.

Comment comptez-vous financer ces projets ?

Nous étudions les modalités selon lesquelles nous pourrions nous introduire en Bourse. La décision n’est pas encore prise, mais le fait qu’elle soit envisageable constitue un changement majeur. Une introduction en Bourse ne faisait pas partie des scenarii envisagés il y a encore deux ou trois ans.

En 2003, vous avez pourtant retiré de la cote la Compagnie Financière Saint-Honoré, le holding de tête du groupe en France ?

C’est vrai. Il est en effet plus logique de coter la banque, dont l’activité est ciblée : elle ne fait que de la gestion d’actifs et de fortune et des fusions-acquisitions dans les « mid caps ». Notre modèle est celui d’un spécialiste sans réseau de distribution, donc contraint à la performance. Ce serait une première en France puisque aucune banque de gestion n’est cotée à Paris, alors qu’il y en a plusieurs sur les places étrangères.

Quelles conséquences cette opération pourrait-elle avoir sur votre actionnariat ?

L’opération vise notamment à lever des capitaux supplémentaires nous permettant de financer notre développement à l’international. En tout état de cause, la famille gardera le contrôle de la banque. La gestion restera de type familial pour préserver la création de valeur à moyen et long terme.

A quoi servirait l’argent levé ?

Bien entendu, il ne s’agit pas de lever des fonds propres à cause de la crise, qui ne nous a pas affectés, mais dans une optique de croissance à moyen et long terme. Nous voulons nous développer à l’international, où nous sommes encore trop peu présents. Nous connaissons depuis une dizaine d’années une croissance de nos encours de plus de 20 % par an en moyenne, principalement en France. Nous pensons passionnant de poursuivre cette croissance hors de l’Hexagone. Associer le public et nos équipes à cette ambition nous semble être un projet enthousiasmant.

Quel pourrait être le calendrier ?

Nous pourrions faire cette opération en 2008, si les marchés le permettent.

Y a-t-il des alternatives à la cotation ?

Bien sûr, nous pourrions, par exemple, procéder par autofinancement. Mais cela affecterait significativement notre capacité de distribution et risquerait de limiter nos ambitions de développement.

Propos recueillis par Elsa Conesa et François Vidal pour Les Échos