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Métal brillant

Publié le vendredi 1 juin 2001
Portrait

C’est la parution de son deuxième livre qui a fait connaître Michel Cicurel bien au-delà des cercles professionnels où il évolue. « La Génération inoxydable » a paru en 1989.

L’auteur avait alors quarante-deux ans. Cette génération capable de résister à la corrosion, c’était bien sûr la sienne, la génération du baby boom. Premier constat : la douzaine d’années passée apporte à la thèse soutenue dans le livre un début de vérification, du moins en ce qui concerne son auteur. Toujours souriant, toujours affable, Michel Cicurel fait preuve de la même efficacité et du même esprit délié qu’à l’époque où il l’écrivait. Il faudra attendre encore pour vérifier son pronostic d’un avenir heureux pour cette génération nombreuse de futurs vieillards. « On ne sait pas traiter les maladies de la sénescence parce que le marché n’existe pas encore. Les laboratoires pharmaceutiques vont développer ces recherches. » Brillant, le livre anticipait bien des réflexions actuelles sur l’évolution de la société.

Reste que la carrière de Michel Cicurel ne doit rien à l’effet de génération. La formation initiale de ce fils d’un compositeur de musique élevé par son beau-père médecin, davantage porté sur la création que sur la gestion, est celle d’un brillant sujet : Sciences-Po, sciences éco., ENA. Qu’apporte donc l’ENA, régulièrement critiquée pour son caractère élitiste ? « On y apprend à travailler, d’une part, à diriger des hommes, d’autre part. C’est l’essentiel de ce qu’il faut savoir. Dans une entreprise, la motivation est ce qui compte le plus. Il faut que les gens soient heureux dans leur bureau. Chaque cadre doit être le “patron de sa petite PME”, responsable du travail de son équipe. »

Une philosophie que, logiquement après un tel cursus, Michel Cicurel a commencé à mettre en œuvre à la direction du Trésor : « Même là, il était possible de créer : il s’agissait alors de faire entrer la France dans l’économie de marché. » Il abandonne l’administration après une dizaine d’années de service : « J’avais l’envie de mesurer mon action dans un résultat. Seule l’entreprise privée dispose d’un thermomètre qui ne ment jamais ! »

Sa carrière dans le privé le conduira à diriger avec succès plusieurs établissements financiers plutôt pointus : Cortal (« On a démarré à quelques-uns autour d’une table, une équipe soudée et enthousiaste »), Cerus, qu’il a redressé, Duménil-Leblé, aujourd’hui la Compagnie Financière E. de Rothschild et la Compagnie Financière Saint-Honoré – avec un intermède dans l’agroalimentaire.

De la Compagnie Financière E. de Rothschild, il apprécie la taille relativement modeste, 500 personnes, dont beaucoup de « têtes d’œuf » issues des écoles les plus prestigieuses, Polytechnique, Mines, HEC : « Une structure ramassée autorise des décisions rapides. Cette maison, qui a un passé respectable, dispose d’un énorme potentiel. »

À quoi ressemblera l’avenir dans le domaine des placements ? « N’attendez pas d’innovations financières majeures. Il s’agit plutôt de mettre à la portée du grand nombre des produits confidentiels. Les warrants, qui connaissent un succès croissant, sont des produits très anciens. On verra, on voit déjà se répandre des produits structurés (la Bourse avec une garantie en capital), le capital-risque, etc. Les épargnants sont obsédés par la liquidité, ce qui leur coûte très cher. Ils doivent accepter le risque dans une gestion à long terme. Les actions rapportent 7 % par an en moyenne, ce qui est beaucoup plus que les produits liquides. »

Ses loisirs ? « Ne rien faire, rêvasser en marchant ! » Un petit morceau du secret pour être, soi-même, inoxydable ?

Article rédigé par Jacques Derouin pour Investir Magazine