Retour

Entretien sur BFM Radio : « la Chine a le feu au cul »

Publié le mercredi 19 janvier 2011
Interviews

Dans un entretien sans langue de bois sur BFM Radio avec Stéphane Soumier, Michel Cicurel déclare :  « la Chine a le feu au cul, elle a les moyens et une intelligence phénoménale, mais l’empire reste extrêmement fragile, avec un risque politique et social majeur. » L’enregistrement audio est disponible ici en intégralité.

Vous voulez jouer l’air du Printemps de la Symphonie des Quatre Saisons, à des chefs d’entreprises qui, encore aujourd’hui, se battent pour leur carnet de commandes. La réalité de ce qu’ils vivent n’est peut-être pas la réalité de votre conviction, parce que vous voulez voir plus loin, et vous voulez voir une mondialisation qui va forcément nous apporter des solutions. C’est bien les convictions de la Compagnie Financière Edmond de Rothschild ?

Oui, ce sont tout à fait mes convictions, avec si vous me permettez cette référence au texte d’Henri Jeanson dans l’Entrée des Artistes, où un acteur disait à sa chérie « tu es capricieuse comme un matin d’avril ». Je crois que notre Printemps est capricieux comme un matin d’avril, mais je crois qu’il y a un petit air de Printemps !

En fait, il y a un an, j’étais très inquiet, parce qu’on avait déversé toute l’armoire à pharmacie sur l’économie mondiale. Les États, qui étaient déjà bien malades avant les banques, l’étaient encore bien plus après, ils étaient exsangues. D’ailleurs on l’a bien vu, c’était fatal que les États aillent mal. Les banques centrales étaient pleines de pourritures et continuaient d’avaler le mauvais papier, elles avaient leurs taux à zéro donc ne pouvaient plus les remonter. Le système monétaire international, qui est un vrai problème, était sens dessus dessous, et naturellement les banques convalescentes n’allaient vraiment pas bien. Avec tout ça, l’économie était molle : c’était affreux.

Franchement je n’étais pas très frais il y a un an, mais l’année 2010 n’a été que soulagement. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, l’économie roule. La Chine et les pays émergents ont tenu l’économie en 2010. Là ils sont obligés de freiner pour cause d’inflation, parce qu’en Chine, elle est aussi dangereuse que le sous-emploi, très dangereuse. Mais au moment où la Chine freine, les États-Unis repartent, et la demande interne chinoise va baisser un peu, ou peut-être seulement monter moins vite. Mais le consommateur américain est de retour, et la mondialisation devient heureuse !

On a juste gagné du temps : aucun des problèmes que vous aviez identifiés au début de l’année 2010 ne sont réglés ?

Vous avez tout à fait raison, mais tout est toujours comme ça. Quand une économie est convalescente, il faut gagner du temps, il n’y a que le temps. Il faut que l’économie mondiale se remette en marche sans dopant. On est plutôt sur la bonne voie : dans la croissance 2010, il y a un peu moins de dépenses publiques et un peu plus de dépenses privées. En 2011, ça va être accentué, et quand l’économie mondiale pourra se passer de dépenses publiques, à ce moment-là, on pourra commencer à traiter tous les problèmes, tous les piliers du monde qui sont en compote, parce qu’en effet ce n’est pas réglé.

Vous avez le sentiment aujourd’hui que la Chine est un « tender », ce wagon situé juste derrière la locomotive qu’il alimente. Si on suit la métaphore : la Chine est le tender, l’Europe et les États-Unis sont la locomotive, l’un ne peut pas avancer sans l’autre… Mais la Chine a-t-elle premièrement la capacité, et deuxièmement les moyens -la capacité, l’intelligence, la maîtrise suffisante – pour tenir la planète dans l’année qui vient ?

La Chine a énormément d’argent, et je ne sais pas si on a le droit de dire ça sur BFM Business, mais elle a le feu au cul ! Parce que c’est un empire extrêmement fragile, il n’y a par exemple pas de sécurité sociale en Chine, c’est d’ailleurs pour cela que les Chinois épargnent autant. Et quand les prix des logements en ville deviennent trop élevés – et cela arrive tout le temps – quand les citadins sont obligés de retourner à la campagne où, au lieu de gagner 4000 dollars par an, ils n’en gagnent que 400, l’empire chinois se lézarde. Il y a un risque politique et social majeur. Donc la Chine a le feu quelque part, elle a les moyens et une intelligence phénoménale. Cela fait des années que l’intelligence avec laquelle elle est gouvernée est extrême. Tout comme son intelligence financière : la Chine sait très bien qu’elle ne peut laisser tomber ni le dollar ni l’euro.

Ecouter l’enregistrement