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Alliance entre Bank of China et La Compagnie Financière Edmond de Rothschild

Publié le vendredi 19 septembre 2008
Interviews

Zhu Min, vice-président de Bank of China, et Michel Cicurel, président du directoire de La Compagnie Financière Edmond de Rothschild, ont scellé,le 18 septembre à Paris, l’alliance entre leurs deux établissements. Zhu Min et Michel Cicurel expliquent aux Échos la nature et les perspectives de leur alliance.

Quelle est l’importance du partenariat que vous venez de signer ?

Zhu Min. – Nous sommes très heureux de cet investissement stratégique. La Compagnie Financière Edmond de Rothschild représente deux cent cinquante ans d’histoire familiale et une place dans les cinq premiers de la gestion d’actifs. Elle possède une très belle marque, un grand nom et de bons produits. Son savoir-faire correspond exactement à ce dont nous avions besoin. Il s’agit aussi d’une banque très bien gérée, en forte croissance depuis dix ans, dont les entrées nettes de capitaux sont positives et les ratios de liquidité et de capital sont supérieurs aux minimaux réglementaires.

Recevoir une proposition de la meilleure banque internationale dans le meilleur pays de l’économie émergente est une consécration et une perspective passionnante. C’est une première dans la zone euro. Bank of China est l’une des cinq premières banques mondiales avec plus de 11.000 agences et une implantation dans 28 pays.

Pourquoi investir à Paris et non au siège du groupe, à Genève ?

Nous avons choisi d’investir dans la banque française que nous connaissons depuis plusieurs années pour la qualité de sa gestion d’actifs et de son management. De plus, la France est un pays idéal pour nous, au coeur de l’Europe. L’accord est important et avantageux pour les relations économiques franco-chinoises. Les investisseurs de notre pays sont de plus en plus nombreux à s’intéresser aux PME françaises. Il y a vingt ans, la Chine avait besoin de savoir-faire en technologie et en management, aujourd’hui elle recherche les marques et la distribution. En sens inverse, alors que les marchés financiers sont volatils, la Chine représente un pays en croissance forte, où les investisseurs français sont désireux d’être présents.

Quel contenu concret en attendez-vous et quels objectifs chiffrés vous êtes vous fixés ?

La classe moyenne chinoise se développe rapidement et elle a besoin de produits et de services plus diversifiés, par exemple en matière de gestion de la trésorerie, de produits sophistiqués ou de produits retraite… Les entreprises, qui ne distribuent pas de dividendes, ont aussi beaucoup de liquidités à investir. Les commissions représentent 20 % de nos revenus contre 12 % pour l’ensemble des banques chinoises. C’est un niveau que nous souhaitons augmenter. Notre idée est de développer ensemble une plate-forme ouverte, même si les produits conçus en commun seront prioritaires. Cela nous permettra à terme de développer nos propres capacités et savoir-faire.

Je suis incapable de vous donner des chiffres tant les capacités de Bank of China sont gigantesques : elle compte plus de 130 millions de clients et veut se développer dans la banque privée et la gestion d’actifs. La Chine compte 500.000 millionnairesen dollars et Bank of China sert plus de 1 million de clients disposant de plus de 100.000 dollars de dépôts.

N’y a-t-il pas un risque que LCF Rothschild soit moins stratégique pour Bank of China dans quelques années ?

Vous posez délicatement la question de savoir si nous serons « virés » à terme par notre partenaire. Je n’ai aucune crainte. Bank of China peut développer un énorme département de gestion d’actifs et de banque privée tout en nous laissant une place croissante pour lui apporter nos innovations. Mais il faut comprendre que nous allons fabriquer des « produits blancs » pour Bank of China, sans chercher forcément à tout vendre sous notre propre marque. Nous le faisons déjà avec d’autres, en fait, nous sommes un laboratoire d’idées et de solutions financières. Cela ne va pas s’arrêter. Dans le monde de la gestion, les grandes banques ont besoin de maisons plus petites capables de créer des produits à forte valeur ajoutée parce qu’elles attirent les meilleurs talents.

Ce type d’accord repose avant tout sur l’idée que les deux parties vont croître dans le futur. Mais, concrètement, nous allons envoyer des équipes se former à Paris.

Pourquoi avoir intégré dans l’accord une prise de participation à hauteur de 20 % ? La banque en avait-elle besoin ?

Nous aurions voulu en prendre davantage ! Mais un niveau de 20 % nous permettra de consolider notre participation.

Bank of China réalise un investissement de 236 millions d’euros, dont 126 millions en souscrivant à une augmentation de capital de 10 % et le solde en rachetant les titres de la Caisse de Dépôt et Placement du Québec qui a doublé la valeur de son investissement en moins de quatre ans. Il n’était pas facile de convaincre Benjamin de Rothschild de diluer sa participation – même s’il détient toujours les trois quarts du capital de LCF Rothschild – mais il est passionné par la Chine. Bien entendu, la participation du management des salariés reste inchangée à environ 5 %.

Quel est votre analyse de la crise actuelle ?

Nous sommes dans l’oeil du cyclone ! Et dans de telles circonstances, rien n’est jamais totalement sûr. Mais je n’ai pas de raison de modifier nos convictions d’il y a un an. Il s’agit d’une crise sévère, mais pas d’une explosion du système financier mondial parce que nos régulateurs sont exceptionnellement talentueux. La récession s’étendra à l’ensemble du monde, sans découplage, mais elle sera limitée par la résilience du monde émergent. Dans un monde de récession, le risque inflationniste est absolument écarté, donc aussi celui des hausses des taux. Après le passage de l’ouragan, le monde retrouvera la forte croissance des « trente globales », probablement dans dix-huit mois. Les marchés actions, dangereusement volatils aujourd’hui, anticiperont cette reprise et offriront alors des opportunités exceptionnelles.

Propos recueillis par Elsa Conesa, Sylvie Ramadier et François Vidal pour Les Echos