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Lutter contre tous les extrémismes, c’est d’abord redresser notre économie

Publié le mardi 23 février 2016
Tribunes

Ce n’est nullement un hasard, si Daesh a choisi de frapper la France, de la déboussoler à la veille d’élections importantes, car au fond le FN et l’Islam radical sont des alliés objectifs. Et de la frapper en ces lieux parisiens de toutes les mixités, car Daesh a clairement désigné son ennemi dans un communiqué de victoire : la « perversité » et la « Croix ». Bref, nos libertés et nos racines, dans leur expression parfaite de laïcité, de tolérance, et d’ouverture qui sont l’âme de la France. Ces carnages ont ainsi uni dans le drame la France « black-blanc-beur » que la victoire de l’équipe de France avait unie dans la victoire.

Ce choix de notre pays n’est pas un hasard car il n’y a que deux vrais piliers du monde libre : Les Etats-Unis et la France. L’Allemagne et l’Angleterre sont de grands pays, qui gèrent mieux que nous leurs affaires internes, mais seule la France a une vocation universelle de ce côté de l’Atlantique, où elle reste la seule puissance nucléaire occidentale en état de marche, et parce qu’elle conserve son influence sur le monde, qu’elle en a le goût, et que le monde la reconnaît comme telle, quel que soit l’affaiblissement de nos forces économiques et politiques.

Il est un fait que la France est plus que jamais au centre du monde, même si, comme le cœur de notre planète, elle est en surfusion. Il est un fait que les Etats-Unis ne se sont jamais passionnés pour l’Afrique, dont la population va doubler à deux milliards dans les prochaines décennies, et que le Moyen-Orient ne les intéresse plus guère depuis qu’ils ont acquis leur autonomie en énergies fossiles. Il est vital pour les américains, et pour l’ensemble du monde libre, que la présence française continue de s’affirmer dans ces régions, où peut se développer l’Islam radical. Et pour qu’il en soit ainsi, il y a deux conditions : le redressement économique de notre pays ; et le renforcement du couple franco-allemand.

Il est navrant de voir l’égarement du débat politique en France, à l’approche de l’élection cruciale de 2017, si éloigné des responsabilités européennes et mondiales de notre pays. Même si dans les grandes douleurs, celles de janvier ou celles de novembre, nos responsables politiques font bonne figure dans l’unité nationale, les arrière-pensées politiciennes ne sont jamais absentes et paraissent misérables au regard des vrais enjeux. Très vite, une sorte de danse du ventre de la gauche et de la droite s’organise autour du FN, comme si le formidable talent de communication de Marine et Marion Le Pen comportait l’once d’une solution aux sévères problèmes de notre pays. Il n’y a pas de vraie différence entre la droite et la gauche républicaines sur aucun des leurres qu’ils se plaisent à afficher, les immigrés, les homosexuels, la justice et la police, ou Schengen. On sait parfaitement de part et d’autre que l’Islam de France sert de bouc-émissaire aux classes populaires et moyennes frappées par le chômage et la crise économique. Les immigrés sont touchés par la crise, mais ceux qui les accusent de « manger le pain des français » le sont également. Ne pas traiter les vraies causes de notre affaiblissement économique, surfer sur le marasme pour alimenter les germes de guerre civile est follement dangereux.

Il faut d’urgence revenir au cœur du débat politique : la gestion avisée de l’économie, seule vraie ligne de partage entre la gauche traditionnelle et la droite républicaine. Même si, à mi-mandat, la gauche au pouvoir fait mine de ne plus rouler systématiquement en sens interdit, on ne peut guère l’accuser d’excès de vitesse ! Il est heureux que les modèles se rejoignent, comme c’est le cas de tous les grands pays occidentaux, mais tant que les mots ne deviendront pas des actes, beaucoup de français se réfugieront dans les braillements des marabouts populistes.

Il ne faudrait pas grand chose pour faire basculer une part de nos jeunes concitoyens, enfants d’immigrés qui aiment et respectent la France, du côté de la compréhension, voire de la sympathie pour l’Islam radical. Et rien de tel pour favoriser le sentiment de frustration que l’accentuation d’une discrimination déjà présente par la contagion des thèmes populistes. Or, le vote des jeunes Français qui se croient « de souche » se porte déjà massivement vers le FN. Comment n’en serait-il pas ainsi alors qu’ils n’ont connu que le chômage et la crise, et que même un diplôme ne leur garantit nullement un emploi ? Et comment ne pas entendre leur révolte contre les échecs de l’UMPS alors que, depuis trente ans, les folies dévastatrices d’un socialisme durablement idéologues, de la retraite à 60 ans aux 35 heures, ont été mollement traitées par la droite républicaine ? La géographie du FN épouse parfaitement celle du chômage, bien mieux que celle de la présence d’immigrés. Les classes moyennes en Allemagne, pays d’extrême civilisation, étaient devenues les complices plus ou moins conscientes et passives de la barbarie nazie sur fond de crise économique des années trente. Si quelques millions de nos concitoyens musulmans devaient être maltraités, ils auraient 1,5 milliard de frères pour combattre à leurs côtés. Le traitement du chômage est la première des urgences sécuritaires.

Or la droite républicaine ne convainc pas. Elle se livre à une surenchère de propositions sur la déréglementation, le code du travail, les dépenses publiques, les impôts, tout cela sans un véritable mode d’emploi.

Tout le monde, la droite et la gauche, comme une immense majorité de nos concitoyens, sait ce qu’il faut faire. Mais ni les uns, ni les autres ne savent comment le faire, la droite pas beaucoup mieux que la gauche. Ce qui manque cruellement est un discours de la méthode. « Faire » c’est surtout « savoir faire ». Par exemple, les ténors de la droite préconisent de réduire la dépense publique de 100 milliards d’euros, et ils ont raison. Mais ils ne disent nullement où seront les coupes sombres, comment et en combien de temps ils sauront le faire, sans mettre dans la rue des millions de Français touchés par la crise. Or le rapport Pébereau, qui fête ses dix ans, n’a pas une ride : il faut du temps pour redresser nos finances publiques, sans doute une dizaine d’années. Le temps que la France meure guérie de son déficit, et tombe aux mains des populistes.

Pour éviter ce danger, Nathalie Kosciusko-Morizet propose un schéma novateur  utilisé autrefois avec succès par Margaret Thatcher ou Ronald Reagan : pour relancer la croissance et l’emploi, baisser immédiatement les prélèvements sur les facteurs de production (travail et capital), et entamer simultanément les baisses de dépenses qui prendront forcément du temps. Stratégie résumée par cette formule : « faire descendre les prélèvements par l’ascenseur et les dépenses par l’escalier », en assumant qu’il y aura un surcroît de déficit, comme ce fut le cas pour l’Allemagne autrefois. Afin de fortifier l’adhésion de nos partenaires européens à cette approche audacieuse, NKM propose un renforcement de l’Europe politique. On peut discuter cette démarche, mais ça a le mérite de proposer une méthode articulée et cohérente.

Et le cœur de la méthode repose sur le besoin de France pour l’Europe et le monde qu’il ne faut pas sous-estimer comme notre pays, jamais à court d’autoflagellation, ne cesse de le faire.

Il ne suffit pas comme le Président Hollande de faire appel à l’indulgence allemande pour défalquer de nos déficits déjà excessifs les dépenses des forces de l’ordre, militaires ou policières. Proposons à l’Allemagne un pacte global, de stabilité et de sécurité ! Notre voisin allemand sait parfaitement que sans la France, l’Europe et l’euro meurent. Il faudrait que la France fasse admettre à l’Allemagne un plan de rétablissement de son économie et de ses comptes à moyen terme, comme notre pays l’avait accordé à sa voisine après sa réunification. Il est impensable de sauver l’Europe de la faillite sans que l’Allemagne fasse crédit de sa rigueur comptabke et la France de son influence politique mondiale comme de son arsenal. En cette sombre fin d’année, les carnages et la poussée du populisme offrent aux deux partenaires un moment de recueillement mutuel pour relancer la construction européenne dans un esprit dynamique plutôt que dans une sinistre succession de gestions de crises.